En mai 2025, deux informations majeures sont passées presque inaperçues dans la presse. Et pourtant, mises côte à côte, elles racontent une vérité glaçante : nous sommes en train d?organiser la précarisation massive de la santé.
Ce que dit la science : la pauvreté rend malade
Selon une étude de la Mutualité chrétienne (MC) :
- L?espérance de vie est plus courte dans les quartiers pauvres.
- La mortalité y est deux fois plus élevée qu?ailleurs.
- Le système de plafonnement des dépenses de santé (le MAF) ne compense plus.
- Les personnes à faibles revenus sont plus souvent en incapacité longue durée, glissent vers la pauvreté, et enchaînent : perte de logement, soins reportés, isolement.
Ce que prévoit le gouvernement : supprimer le chômage après deux ans
Dès janvier 2026, les allocations de chômage seront limitées à deux ans:
- 115.000 à 140.000 personnes concernées, selon la FGTB.
- Sans plan de formation structuré.
- Sans articulation avec les CPAS.
- Sans accompagnement social.
L?objectif affiché : "motiver à retrouver un emploi".
Mais sans filet, on tombe. Et on tombe malade.
Mettons les faits ensemble
? Perdre ses allocations = perdre l?accès aux soins
- 1 personne sur 3 à bas revenus renonce à des soins (Solidaris, 2023).
- Les chômeurs consultent deux fois moins le dentiste.
- Le MAF ne couvre ni les suppléments, ni les transports, ni les lunettes, kiné, psychologues?
- Résultat ? Soins interrompus, complications évitables, retards de diagnostic.
- Et les coûts ? Reportés sur les urgences, les CPAS? et les soignants de terrain.
? Pauvreté prolongée = espérance de vie réduite
- En 2025, l?écart d?espérance de vie en bonne santé entre riches et pauvres atteint 7 à 10 ans.
- Plus de précarité = plus de maladies, plus tôt.
? Pas de formation = enfermement social
- En Belgique, 4 chômeurs sur 10 sont en longue durée (Statbel, 2024).
- La réforme coupe les droits? avant de construire les alternatives.
? Plus de pauvreté = plus d?incapacité
- La précarité, c?est du stress chronique, des troubles musculo-squelettiques, de la dépression, des addictions, de l?épuisement.
- Et donc, au final : plus de malades, plus d?arrêts, plus de charges sur les soins primaires.
Et ce n?est que le début
Le 22 mai 2025, l?INAMI a confirmé un déficit de 493,5 millions d?euros pour les soins de santé 2026.
Des économies sont déjà prévues. Mais ce ne sera pas suffisant.
Ce sont les prestataires- médecins, pharmaciens, infirmiers- qui paieront. Et donc, in fine : les patients.
Je suis infirmière à domicile. Je ne suis pas législateur.
Mais je vois déjà des traitements arrêtés faute de budget, des rendez-vous annulés, des patients qui réduisent leur alimentation pour pouvoir chauffer leur logement.
Je pourrais vous parler de "cas" toute la journée.
Mais il faut voir plus large : l?effet systémique.
Ce qu?il faudrait faire, maintenant
?? Investir dans les soins primaires
Renforcer les réseaux de proximité, soutenir les soins à domicile.
C?est là que tout commence.
?? Coordonner politiques sociales et santé
Réformer le chômage sans renforcer les CPAS ?
C?est irresponsable.
Sans accompagnement social ?
C?est criminel.
Et en affaiblissant les soins ?
C?est carrément malveillant.
?? Cesser de faire peser l?austérité sur les malades
Les erreurs budgétaires ne doivent pas être rattrapées par les patients ni par les soignants.
Une société en bonne santé ne commence pas à l?hôpital
Si nous voulons faire de la santé publique, il faut :
- traiter la pauvreté comme un facteur pathogène majeur ;
- reconstruire du lien social ;
- investir dans la prévention, pas dans l?exclusion.
La pauvreté est plus grave et plus meurtrière que les virus saisonniers!
Et contre la pauvreté, il n?existe aucun vaccin.
Seulement du soin, du lien et de la dignité.
Isabelle Duchateau
Infirmière spécialisée SIAMU- soins à domicile (Région Le Roeulx, Thieu, Maurage, Bracquegnies, Houdeng etc)
Référente en soin de plaies (certifiée en nov.25)
Formée en nutrithérapie (CFNA) et aromathérapie (Collège Dominique Baudoux)
Fondatrice de Harmoneo ? www.harmoneo.be